Mais d’où vient le nom des notes ?
Voilà une question à laquelle je réponds souvent… en cours de chant grégorien ! Car oui, le nom des notes nous vient d’un moine italien de l’an mil, particulièrement pédagogue et ingénieux : Guido d’Arezzo, qui a inventé ce système pour faciliter l’apprentissage musical.. ça a donc un rapport avec le chant grégorien ! Je vous explique tout ici…
Pendant notre stage de chant grégorien itinérant en Auvergne, nous avons chanté dans neuf églises et chapelles ce fascinant hymne grégorien dédié à saint Jean-Baptiste : « Ut queant laxis resonare fibris… »
Un texte ancien bien connu des musicologues car c’est un chant qui a donné naissance aux noms de nos notes !
Guido d’Arezzo, un pédagogue visionnaire
Au XIᵉ siècle, un moine italien du nom de Guido d’Arezzo cherche à améliorer l’enseignement du chant, et surtout que les jeunes moines apprennent plus rapidement à chanter le répertoire grégorien. À cette époque, la notation musicale en est à ses balbutiements : on doit chanter de mémoire, à partir de neumes cursifs qui rappellent les contours mélodiques et servent d’aide-mémoire.
Guido imagine un système de lignes pour donner enfin un repère fiable sur la hauteur des notes, et offrir ainsi la possibilité d’apprendre un répertoire qu’on ne connaît pas, juste en le lisant. Une véritable révolution, et bien entendu notre système solfégique actuel découle directement de là. Nous lui devons une fière chandelle !
Pour faciliter l’apprentissage des notes, Guido utilise l’hymne à saint Jean-Baptiste, pour nommer les degrés de la gamme et les associer à une hauteur précise. C’est donc un chant grégorien qui sert de moyen mnémotechnique pour apprendre le nom des notes ainsi que leur hauteur !
Voici le début de cet hymne latin :
Ut queant laxis
Resonare fibris
Mira gestorum
Famuli tuorum,
Solve polluti
Labii reatum,
Sancte Ioannes.
Chaque hémistiche commence sur une note plus haute que le précédent : il suit la progression ascendante de la gamme, à partir de Do (qui pour l’instant s’appelle Ut … terme qui est resté dans notre théorie musicale actuelle : quand on parle de clef d’ut, d’instrument en ut ou encore de contre-ut pour parler du do au-dessus de la portée)
Vers du chant | Première syllabe | Nom de la note |
---|---|---|
Ut queant laxis | Ut | Ut (devenu plus tard Do) |
Resonare fibris | Re | Re |
Mira gestorum | Mi | Mi |
Famuli tuorum | Fa | Fa |
Solve polluti | Sol | Sol |
Labii reatum | La | La |
Ces six syllabes — Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La — forment ce qu’on appelle l’hexacorde et à cette époque là, six notes suffisaient pour couvrir la théorie de la musique. La septième note, le Si, viendra plus tard : on la formera à partir des initiales de Sancte Ioannes (S et I).
Le mot Ut, peu pratique à chanter à cause de la consonne finale, a été remplacé au XVIIᵉ siècle par Do, peut-être en hommage au théoricien Giovanni Battista Doni ou simplement pour Dominus, le Seigneur et rester dans une dynamique sacrée.
Pendant le stage, nous avons donc chanté cet hymne à saint Jean-Baptiste dans plusieurs églises : à Issoire, à Saint-Nectaire, à Plauzat…
À chaque fois, la même joie : celle d’entendre cette mélodie mille ans plus tard, toujours vivante, et d’imaginer les moines de l’époque, chantant ces mêmes syllabes pour mémoriser les notes de l’hexacorde !
Les italiens, les français et les espagnols ont adopté le nom des notes Do ré mi fa sol la si, tandis que les anglo-saxons ont conservé le système plus ancien A B C D E F G. (C’est pourquoi, quand vous apprenez les accords américains, ce sont des lettres !)
Le nom des notes vient donc du génie pédagogique d’un moine, et qu’on le veuille ou non, c’est complètement lié au chant sacré. Toutes les autres théories avancées sur les réseaux sociaux pour expliquer le nom des notes sont des inventions modernes !
Maintenant que vous savez tout, vous pouvez regarder cette vidéo : c’est un extrait de notre concert de fin de stage en Auvergne, avec 5 merveilleuses stagiaires. J’avais expliqué l’histoire de cet hymne au public, et je montrais avec mon doigt le moment où on chante la note avec son nom. (Parce que je profite toujours des concerts pour expliquer des choses au public, pour qu’il reparte avec de la « nourriture pour les pensées », comme on dit en anglais. C’est mon côté prof, je ne peux pas m’en empêcher !)
Si vous avez aimé mon article ou cette petite vidéo, n’hésitez pas à laisser un commentaire en dessous, ça me ferait plaisir, et ça me montrerait que mon blog a sa petite utilité ! MERCI 🙂 Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les poser ! Et la prochaine fois que nous ferons un stage de grégorien itinérant, vous aurez peut-être l’occasion de pratiquer ce chant avec moi !
Lisa Magrini
Octobre 2025
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