Les musiques qui ont changé ma vie

Ces derniers temps sur Facebook, on reçoit des invitations à partager les 10 chansons qui nous ont marqués, qui ont ouvert une fenêtre… Malheureusement pour ceux qui m’ont « nominée », je n’aime pas participer aux chaînes sur FB, mais comme la thématique m’a plu, j’ai préféré en faire un article de blog ici, et j’espère peut-être vous faire découvrir de nouvelles sonorités qui vous ensorcelleront !

 

La sélection concerne parfois un chanteur, un ensemble ou un compositeur.

 

En voici déjà 6…

1) Perotin 

Un jour, j’avais une dizaine d’année quand mon frère est revenu à la maison avec un disque de Perotin. On a mis ça à fond dans sa chambre, comme 2 ados qui écoutent de la musique à fond. Je me rappelle mon étonnement … je me disais : « on peut faire ça avec la voix ? Comment on fait ?» Par la suite, nous avons souvent écouté ce disque, le soir avant d’aller dormir, sans parler, sans bouger… j’étais juste prise par le tourbillon des voix.

Pour avoir pratiqué l’organum de l’école de Notre Dame dans ma vie professionnelle par la suite, j’en ai découvert le plaisir incroyable de le chanter, mais effectivement quelle difficulté ! Les morceaux sont longs, épuisants, demandent une justesse parfaite sans vibrato bien sûr, une concentration de chaque seconde… J’en avais déjà l’intuition à 10 ans, je confirme maintenant : c’est le kiff total à chanter, mais c’est tellement dur !

Ecoutez ici une version enregistrée par mon cher maître, Dominique Vellard :

  1. Leçons de Ténèbres de  François Couperin

Toujours par le truchement de mon frère (il est plus grand, c’est lui qui achetait les disques !) j’ai découvert la musique du film « Tous les matins du monde » (à découvrir si vous ne connaissez pas, mais attention c’est quand même la déprime!)

J’ai découvert à ce moment-là la musique baroque, St Colombe, Marin Marais, et Jordi Savall , la viole de gambe, et la voix de Montserrat Figueras, par la même occasion.

J’étais éblouie, émue, sans voix… pendant le film il y a un court extrait des leçons de Ténèbres à 2 voix de Couperin. C’était tellement angélique comme son, j’étais sûre qu’aucun humain ne pouvait chanter ainsi, et j’étais sûre que moi-même, je ne pourrais jamais chanter comme ça, c’était inaccessible, divin.    J’ai écouté ça toute mon adolescence, dans le train, à Venise, dans les Rocheuses,  en marchant, en dormant, avec un walk man, un walk-man CD, un mini disque, un mp3 et autres supports dont je ne me rappelle plus le nom !

Je vous met la version que j’écoutais en étant petite, avec Jordi Savall aux commandes.

Et en dessous la version que j’ai enregistré il y a quelques années.

 

Le plaisir de travailler une œuvre fétiche, de glisser sa voix dans les notes bien connues depuis l’enfance, est un plaisir sans pareil !

3) Parmi les ensembles de musique ancienne, j’ai toujours apprécié l’ensemble Organum, dirigé par Marcel Peres , pour le côté un peu « brut », « sauvage » de la voix … c’est décapant et j’adore ça ! Il faut oser sortir une interprétation pareille, j’en suis très admirative.

Découvrez ici leur version de la messe de Notre Dame de Machaut (première messe polyphonique qui nous soit parvenue en entier!) ça secoue, c’est puissant !

4)  Dans la même œuvre mais dans une interprétation totalement différente, mais que j’adore aussi, l’ensemble Gilles Binchois , dirigé par Dominique Vellard.

Prenez la peine de l’écouter aussi parce qu’il n’y a rien de plus beau au monde. Avant la pièce de Machaut il y a une pièce grégorienne, je vous recommande de l’écouter parce que du grégorien chanté comme ça, c’est pas tout les jours qu’on entends ça.

La maîtrise des voix est parfaite, délicate, inhumaine, j’en pleure à chaque fois que je l’écoute. Il y a dans cette musique et son interprétation une intelligence musicale à tomber par terre.

Petite parenthèse, figurez-vous que pour la première fois j’ai enregistré avec cet ensemble et le disque est sorti la semaine dernière, en mai 2020  ! O Joie !

5) Henry Purcell

Il y a aussi des compositeurs qui sont entrés dans ma vie en fracassant tout ! Le tourbillon émotionnel à chaque fois, à écouter ou à chanter !

Assez tôt dans ma vie j’ai fait connaissance avec le compositeur Henry Purcell, par ma sœur cette fois, qui m’a offert un CD pour mes 12 ans. D’ailleurs, quand j’ai commencé à prendre des cours de chant, j’ai passé les 2 premières années à ne chanter que du Purcell ! J’en chantais tout le temps, partout, même en marchant dans les rues d’Aix ! Il y a tout, chez ce compositeur, la douceur, l’intensité ; la force, l’extrême désespoir et la joie ultime, mais surtout, surtout : c’est toujours physique, jamais intellectuel, toujours dans les tripes ! J’adore particulièrement sa façon d’utiliser les chromatismes… ça me fait lever les poils des bras et j’ai l’impression que la musique se glisse sous ma peau… Mes premiers souvenirs  de choeur où on a chanté du Purcell sont des souvenirs d’une rare intensité physique.

Ha ! les longues nuits à écouter Purcell au casque quand j’étais étudiante, ou en buvant du thé avec mon amie Claire, c’était pour moi le plus efficace des anti-dépresseurs !

 

Sa musique sacrée est juste sublime ( première vidéo ) mais sa musique instrumentale, moins connue, est tout aussi jouissive (deuxième vidéo)


6) Monteverdi est un autre compositeur qui me fracasse le cerveau et les émotions…

A chaque fois que je travaille du Monteverdi, je me prends claques sur claques… Je ne sais pas comment exprimer ce que je ressens.

Ce compositeur me fait exploser le cerveau dans une apothéose de couleurs. Je me dis que ce n’est pas possible de faire ça avec des notes… Il y a les vêpres, œuvres de presque 2 heures, d’une intensité incroyable, qui demande beaucoup de concentration au cerveau mais on arrive à la fin sans en être reput ! (Ici un extrait avec l’ensemble Gilles Binchois, nous étions à l’Abbaye du Thoronet en 2017)

 

Mais Monteverdi a composé tellement de choses dans des styles différents, en constante évolution … C’est tellement riche, tellement bien écrit, ça me fait souvent pleurer aussi… Des motets, des madrigaux, des opéras, des pièces sacrées …

La berceuse d’arnalta, dans le couronnement de Popée (l’air commence au bout de 4min40) est un air à écouter tard le soir, quand on est fatigué, les yeux lourds, le cœur calme… c’est au baume pour le cœur et on ne sait si c’est pour dormir ou pour reposer en paix. Ici interprété par l’excellent Jean-Paul Fauchécourt, hautecontre.

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