Faire l’expérience du chant intuitif et chamanique. Un témoignage.

« Je suis revenu du stage heureux d’avoir fait tant de découvertes, surpris par leur intensité, étonné de leur retentissement, fatigué, mais d’une douce lassitude.

Récemment j’ai entendu quelqu’un dire que le développement n’était pas un processus d’accumulation de quoi que ce soit, mais à l’inverse, si l’on en suit l’étymologie un « désenveloppement ». Laisser tomber les enveloppes qui nous enserrent et nous encombrent. Elles ne sont plus perméables, elles se sont durcies comme des chapes qui nous empêchent de respirer, d’entrer en relation avec soi-même et avec les autres.

Tout ce que j’ai éprouvé et que j’essaie maintenant de penser, est arrivé avec l’improvisation que Lisa nous a proposé et à laquelle elle participait.

Après un temps de vocalises, de travail sur le souffle et de réveil des sensations corporelles, Lisa nous a d’abord proposé une improvisation vocale et rythmique individuelle avec un tambour. Puis nous avons poursuivi tous ensemble cette improvisation en marchant, chacun suivant sa voix, son chemin et son rythme. C’était comme une association libre de sons, quelquefois de mots, de rythmes sonore, scandés et plus ou moins modulés, de déplacement dans l’espace quelquefois erratiques et à d’autres moments plus réguliers.

Il y a eu, je crois, deux périodes d’improvisation. Je dis « je crois », car un aspect surprenant de cette improvisation a été le décalage entre le temps vécu de l’improvisation (nous étions tous d’accord sur l’idée qu’elle avait duré environ 3 minutes alors que nous avions improvisé marché et rythmé pendant environ 8 minutes de temps des horloges). Cette condensation m’a beaucoup frappé. C’est comme un rêve ou une transe, le temps et les vécus sensori-moteurs se condensent, nous sommes dans un autre espace-temps. C’est d’ailleurs en quoi consistent les initiations.

Autre chose a retenu mon attention, Ce que j’avais éprouvé dans la première improvisation collective était une sensation de tendresse et d’étonnement, comme celle d’un enfant qui s’éveille au mode des sons et des rythmes. A la seconde, j’ai été emporté par les cris violents et douloureux, une enveloppe protectrice s’était probablement détachée.

J’ai aussi été sensible à ce que je crois être des différences de la consonance et de la dissonance dans les rythmes et les sons, peut-être dans le tempo de la marche.

Il y a eu, à mon sens, un premier moment où chacun suit sa voie et son rythme, ça dissonne. Chacun est à son affaire, dans une sorte de bulle.

Puis s’installe une synchronie, dans les sons, dans les rythmes, dans les parcours et les pas, ou seulement une partie de ces expressions. J’ai perçu comme une sorte de résonance, une régulation, je dirais même une harmonie, de durée variable, brève, une harmonie de groupe, qui communique ensemble et j’éprouvais quant à moi le plaisir d’être ensemble.

Entre ces temps, il se produisait ceci, je l’ai senti ainsi, que certains d’entre nous cherchaient à se dégager de l’ensemble, à retrouver son chemin. Aujourd’hui je pense que chanter et rythmer ensemble est une sorte de recours quand on a le sentiment et sans doute la peur de s’égarer, de se perdre dans « trop » de consonance. Il faut alors que sa voie (x) et son rythme redeviennent singuliers et en quelque sorte dés-accordés.

Au cours de ces fragments de temps si intenses, j’ai senti que le « désenveloppement » dont j’ai parlé était une expérience qui suscitait en moi des moments d’angoisse, comme si la mue de l’enveloppe emportait de la chair et des parties de moi jusqu’alors protégées. A d’autres moments j’ai éprouvé un apaisement, une sorte d’abandon tranquille à ce qui arrivait.

Puis revenaient des moments de douleur et de violence, le sentiment vif de ma fragilité que, comme les autres qui vivaient cette expérience nous tenons de notre inachèvement et de la rencontre avec l’inconnu.

Ce qui prédomine est ce bonheur de retrouver dans son corps et par lui, la terre, l’eau, l’air et le feu, et le souffle et le son qui nous conduit comme le chante la chanson mexicaine Tierra mi cuerpo.  »

R.K.

Mai 2021

Merci beaucoup, cher stagiaire, pour ce beau témoignage, détaillé et très évocateur. Merci ! <3 Lisa

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *